Au début des années 2000, fort d’une législation renforcée sur la participation des publics, on voit naître en France les premiers consultants spécialisés, en mesure d’accompagner les collectivités, alors bien en peine devant l’obligation de mettre en place des dispositifs de concertation. Depuis, la demande de la population, comme des organisations, n’a cessé d’augmenter et chaque nouvelle élection municipale vient renforcer cette structuration participative, que ce soit dans la construction des politiques publiques, la mise en œuvre de projets ou encore au sein du management des organisations.
Depuis quelques années, plusieurs phénomènes apparaissent : la création de services dédiés à la participation citoyenne au sein des collectivités, y compris dans les communes de taille moyenne, là où encore récemment, le service communication ou développement durable portaient la responsabilité des actions participatives. Sur le volet urbain, on observe une demande croissante d’une compétence en concertation/participation, intégrée au groupement de conception urbaine – là où les marchés publics concertation et conception urbaine étaient presque toujours séparés. Plus notable encore, la diffusion des pratiques participatives dans des domaines dépassant celui historique des sciences sociales : pour une même demande d’accompagnement d’une démarche participative, peuvent aujourd’hui postuler des architectes qui ont développé le champs de la préfiguration des espaces publics, des designers pour l’amélioration des services, des développeurs de plateformes numériques participatives, des artistes proposant de la médiation culturelle,…
Cette demande sociale croissante, cette richesse dans la diversification des approches, des méthodes et des réponses ne peut que réjouir les défenseurs de la participation ! Néanmoins, ces évolutions posent quelques questions de sens et de « repérage ». Si ces différentes approches mettent toutes au cœur de leurs actions l’usager, le collaboratif et l’horizontalité, la multiplicité des formations et cultures peuvent créer quelques points de frottement.
Le premier peut se poser ainsi : « quel sens met-on derrière notre action ? qu’est ce que l’on défend ? » – les concertants de la première heure issue des sciences sociales défendront le sens politique de la participation dans l’association des citoyens aux prises de décision ; quand les designers pourront mener une démarche sous le prisme de la qualité de l’objet / service créée grâce à la prise en compte de l’usager ou de l’expérience utilisateur. Or, n’y a-t-il pas un enjeu à clarifier les objectifs donnés derrière toute démarche participative ?
La deuxième conséquence de cette diversification des métiers de la participation est celle du « repérage » . On l’observe chez les étudiants, ou les professionnels en reconversion. En quête de sens – qu’ils trouvent dans les valeurs du participatif – il reste bien difficile pour eux de repérer ces variations d’approches. Il en est de même pour les commanditaires : comment savoir quel prisme sera la plus adapté aux objectifs fixés pour la démarche participative souhaitée ? Plutôt design, urbain, sociologique, prospectif,… ? Que peut-on attendre de l’une ou l’autre approche ?
Ainsi, ce foisonnement heureux – parfois un peu anarchique mais qui montre l’ampleur du phénomène participatif – demande sans doute à se structurer. Tout du moins, il s’agit de continuer à créer des espaces de dialogues entre praticiens, en cherchant à comprendre ce qui nous lie et ce qui fait nos spécificités. Comprendre aussi les complémentarités pour apporter des réponses sur mesure à des projets. Et enfin, clarifier les parcours professionnels, pour que les générations à venir trouvent le sens qu’elles cherchent dans les métiers de la participation.
Charlotte Zuckmeyer, Directrice conseil en concertation chez SCOPIC
Membre du Conseil d’Administration de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne
Pour @Brief Magazine
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